Cette fois-ci, c'est pas moins de 28 mots que vous m'avez soumis !

Je n'y ai pas associé d'image et me suis "contentée" d'écrire avec la contrainte de ces 28 mots.

Comme toujours, je me suis bien amusée.

Dixième chapitre de la vie de Jeanne avec son installation à Ouistreham.

J'écris sur mon téléphone ou le PC, mais pour marquer le coup de ces dix chapitres, j'ai tout repris à la main dans un carnet pour me donner l'illusion qu'un ouvrage prend forme, adviendra ce qu'il adviendra !

Voici le texte :

Jeanne s’éveille doucement et l’espace d’un instant, elle ne sait pas où elle se trouve.

D’un mouvement de tête, elle scanne le décor sans fioriture et réalise qu’elle est dans son nouveau chez elle, à Ouistreham.

Il va falloir maintenant investir vraiment les lieux, aménager chaque pièce avec amour pour s’y sentir bien et rendre les réveils plus doux.

Sa sœur Marine a déjà pris les devants en lui offrant un olivier nain qui trône fièrement dans le salon baigné de lumière. Cette dernière a dit à Jeanne avec un soupçon de moquerie qu’elle craignait pour la vie de ce bonsaï, la main verte n’étant pas un don familial, mais Jeanne a promis d’en prendre soin.

Son ventre criant famine, elle va chercher à la cuisine les madeleines offertes par Livia, sa voisine mercière et décide de les accompagner d’un café bien fort et chaud. Elle se dit qu’elle a eu beaucoup de chance de trouver cet appartement si bien placé, à côté des seules boutiques qu’elle fréquente assidûment : une librairie et une mercerie. Sans compter la cerise sur le gâteau : la mer à deux rues.

Toute à la joie de cette première journée chez elle, Jeanne en aurait presque oublié son rendez-vous avec Marine. Elles doivent se mettre au travail  et avancer sur leur projet professionnel commun. Les événements se sont enchaînés avec une telle vitesse, qu’elle n’a pas eu le temps de cogiter sur le sujet et de se faire des nœuds au cerveau. 

Pourtant, le risque qu’elles prennent toutes les deux en ouvrant ce Tiers-lieu n’est pas anodin. Mais le décès de son mari, a fait prendre conscience à Jeanne que la vie est trop courte pour avoir des regrets.

Elle jette un coup d’œil à la fenêtre du salon pour prendre la « température » de la journée. La girouette de l’église voisine tourne élégamment sur elle-même, quand des cris d’enfants retiennent l’attention de Jeanne. Ils jouent à « chat » sur le chemin de l'école qui est à deux rues d’ici. Ils sont emmitouflés comme des esquimaux. Jeanne est prévenue, il faudra s’enrouler dans un bon tricot bien chaud aujourd’hui.

La gargouille semble la fixer et lui jeter un anathème. L’animal monstrueux  au regard machiavélique a le mérite de la sortir de sa torpeur. Jeanne file se couvrir chaudement pour rejoindre Marine.

Dans les escaliers, elle croise sa voisine Mme Mortimère, vieille misanthrope, au regard aussi torve que la Gargouille. Héline, de son prénom, la voisine, pas la gargouille, quoi que,  a la passion de l’art macabre. Sans doute un vestige  de son métier d’historienne, spécialiste du Moyen-Age. 

Un frisson parcourt l’échine de Jeanne. 

Pas un sourire, pas un mot, que les choses soient claires, les deux voisines ne sont pas prêtes à boire un verre ensemble au troquet du coin !

Jeanne lance un salut amical à la mercière, dont la boutique est à côté de son entrée d’immeuble. Mais elle est arrêtée dans son élan en découvrant Livia en grande conversation avec Noël LUTIN, l’agent immobilier qui lui a fait visiter son appartement. Elle sent deux paires d’yeux pointées sur elle. Jeanne n’est pas indifférente au regard océan de Noël mais elle se sent totalement gourde face à lui. Elle n’a eu qu’un seul amour dans sa vie. Outre le fait qu’elle ne connaît rien au jeu de la séduction, trahir Éric est pour le moment un pas trop grand pour Jeanne. Alors elle leur sourit timidement et s’empresse de détaler comme une adolescente !

Avant de retrouver Marine, Jeanne s’arrête rue Lagopède, encore toute tremblante, chez la fleuriste, pour prendre un pied d'Héliotrope à sa sœur. Cette plante, symbole de l’attachement, fera un joli geste pour sceller cette aventure à deux. 

Elle en profite pour commander de la morue au poissonnier voisin, elle rêve d’une brandade depuis trop longtemps, ce soir elle se met aux fourneaux. Éric, en était friand, Jeanne n’en a pas cuisiné depuis son décès. Il est temps de se remettre à vivre, de quitter le mode survie. Et quoi de mieux que la cuisine pour reprendre pied ?

« Vous m’en direz des nouvelles, pêchée ce matin, une merveille ! » commente avec bonhomie le poissonnier. 

Jeanne admire la boutique et ses étals en alu brossé, tout ça lui donne des idées pour la décoration de sa cuisine.

Elle arrive enfin chez Marine et rentre dans l’appartement sans s’annoncer. Sa sœur a gardé, de son quotidien « roots » à l’autre bout du monde, l’habitude de ne pas fermer à clé, qu’elle soit présente ou pas. Une manie qui a toujours effrayé Jeanne mais à laquelle elle a bien été obligée de s’accommoder quand elle vivait chez sa frangine. 

Cette dernière prépare le café.

« Alors sœurette, cette première nuit dans ton chez toi ?  Reposée pour attaquer notre projet ? » questionne Marine avec un soupçon d’inquiétude. Elle sait Jeanne encore fragile, l’année écoulée a été rude.

« Anéantie dès le réveil par une gargouille, Morbleu ! » s’esclaffe Jeanne, hilare devant la mine déconfite de sa sœur.

« La voisine, Miss mortifère euh Mortimère, en a remis une couche avec son air patibulaire mais j’ai décidé que ce serait, malgré tout, une belle journée ! »

Jeanne a mis le ton du jour, l’aventure du Tiers-Lieu démarre sous de bons auspices, cet endroit va être incroyable !